Discours sur le Projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie

Projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie

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Intervention de Mme Yaël BRAUN-PIVET, 

présidente de la commission des lois constitutionnelles, 

de la législation et de l’administration générale de la République

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Discussion générale – séance du mardi 13 mars 2018

 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Président

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le ministre,

Monsieur le Premier ministre, et rapporteur,

Mes chers collègues,

 

  • 1 heure du matin: à l’instant où je m’exprime, Nouméa, comme le reste du territoire, est dans la nuit. À un peu plus de 16 700 kilomètres de cet hémicycle. Dans l’Océan Pacifique Sud. Au large de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Ces données suffisent à démontrer la spécificité géographique de la Nouvelle-Calédonie par rapport à la métropole.

 

  • 1853: cette année-là, la Nouvelle-Calédonie, où vivait un Peuple premier, le peuple kanak, est proclamée colonie française. De très nombreux anciens communards y seront déportés, à tout jamais, les cimetières en témoignent. Ancienne colonie de peuplement, qui a parcouru le long et douloureux chemin qui conduit à l’émancipation : cela suffit à démontrer une spécificité historique.

 

  • XIII: c’est le numéro de ce fameux titre, propre à la Nouvelle-Calédonie, qui fut inséré dans notre Constitution, il y a 20 ans, pour y regrouper les dispositions transitoires propres à ce territoire. Le statut de l’île est organique, elle possède trois provinces, un Congrès, un Sénat coutumier, un conseil économique et social, un Gouvernement, vote des lois dites « du pays ». Il y a en Nouvelle-Calédonie trois corps électoraux distincts, dont le corps référendaire qui nous occupe aujourd’hui. Cela suffit à démontrer une spécificité juridique.

Oui, nous devons avoir à l’esprit que, forte de ces trois spécificités, la Nouvelle-Calédonie est bien un sujet particulier, qu’il faut aborder en tant que tel.

Intervenant à ce stade de la discussion, après vous, Monsieur le Premier ministre, et après le rapporteur, je voudrais simplement, en tant que présidente de la commission des Lois et vice-présidente de la Mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, profiter des 5 minutes qui me sont imparties pour vous dire ce que je pense, à cet instant, des échéances qui se présentent pour ce petit territoire où j’ai eu l’occasion de me rendre à deux reprises au cours des quatre derniers mois.

À l’automne, les populations calédoniennes seront interrogées sur leur souhait d’accéder, ou pas, à la « pleine souveraineté », conformément aux termes de l’Accord de Nouméa. La question est binaire, un peu réductrice sans doute, propice aux tensions. Elle est aussi nécessaire, car c’est un engagement du passé et une condition pour l’avenir. Il faut honorer cet engagement et satisfaire cette condition.

→  Sur le plan du droit, cela nous impose de tout faire pour que cette consultation soit irréprochable. C’est l’objet de ce projet de loi organique, qui découle directement du XVIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa réuni à Paris le 2 novembre 2017 – sous votre présidence, Monsieur le Premier ministre – et que le rapporteur nous invite – je partage son avis – à adopter sans modification. Ses 10 articles sont nécessaires, ils constituent un ensemble cohérent et je crois également qu’il est préférable de ne pas en altérer l’équilibre.

→  Sur le plan politique, cela nous conduit à faire le pari de l’intelligence et à appeler les Calédoniens à avancer ensemble. À se saisir de cette échéance pour continuer à exorciser la violence de jadis, dans le droit fil de la volonté de paix de Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, et d’autres encore.

Sans doute n’avons-nous pas à prendre parti. Le choix appartient aux Calédoniens. Je ne leur dirai pas : votez « oui », ou votez « non », c’est une décision qui les regarde. En revanche, je voudrais dire aux Calédoniens que j’aimerais, sous une forme ou sous une autre, ou plus précisément sous la forme qu’ils choisiront, que nos chemins ne se séparent pas, ne se brisent pas : je suis persuadée qu’avec les Calédoniens, grâce à leur histoire, à leur diversité, à leur éloignement aussi, notre pays incarne davantage son rêve d’universalité.

Monsieur le Premier ministre, nous savons tout ce que vous faites, avec la ministre des outre-mer, pour accompagner la Nouvelle-Calédonie sur son chemin. Le Gouvernement peut compter sur nous, députés, pour vous aider : le projet de loi que vous défendez, qui a été excellemment et éminemment rapporté, a été adopté à l’unanimité par la commission des Lois. N’est-ce pas de cette manière que nous pouvions le mieux en témoigner ? N’est-ce pas également le meilleur moyen pour adresser à la société calédonienne un message de confiance ? Je vous propose, je vous invite, à renouveler ce témoignage, aujourd’hui, dans l’hémicycle.

Je vous remercie.

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