France Info – Interner tous les fichés S est « une solution qui est illégale » et « totalement inefficace »

Retrouvez l’intégralité de mon interview ci-dessous :

franceinfo : Combien y a-t-il de fichés S en France ?

Yaël Braun-Pivet : Il y a environ 20 000 fichés S, je n’ai pas les chiffres précis pour radicalisation. Cela mêle toute une série d’individus. Vous aurez des black blocs, vous aurez des hooligans, vous aurez des gens d’extrême gauche, d’extrême droite, des zadistes, donc toute une série de personnes qui n’ont finalement que comme point commun d’avoir été repérées comme pouvant porter atteinte à la sûreté de l’État.

Avons-nous les moyens humains et financiers de les surveiller ?

La fiche S ne sert pas à cela. L’idée, ce n’est pas de dire toutes les personnes qui sont fichées S doivent être surveillées. En revanche, ces personnes sont donc détectées, et lorsqu’elles sont contrôlées, il y a une conduite à tenir, c’est à ça que sert la fiche S. C’est un outil. Une personne ne sait pas qu’elle est fichée S. C’est un outil pour les services qui contrôlent cette personne, ça peut être un policier sur un bord d’autoroute. Sur la fiche, il va y avoir marqué : « Je dois prévenir tel service que j’ai vu telle personne à tel endroit », etc. C’est vraiment une conduite à tenir en fonction de ce fichage-là.

Quand vous entendez Laurent Wauquiez demander que l’on mette en prison préventivement les fichés S les plus dangereux, que répondez-vous ?

Je réponds déjà que cette solution est illégale. Le conseil d’État en décembre 2015 s’est prononcé très clairement sur cette question et a indiqué dans son avis deux choses : que c’était contraire à notre Constitution, cette rétention administrative, et que c’était également contraire aux engagements internationaux de la France. Et ça n’est pas rien. Donc vous ne pouvez pas brandir une solution qui est illégale, et qui, en plus, serait totalement inefficace parce qu’à nouveau, être fiché S, ça ne veut pas dire que vous êtes coupable d’avoir commis une infraction telle qu’elle nécessiterait une privation de liberté.

Êtes-vous d’accord que le point faible de notre système est la prison où l’on envoie des gens radicalisés ?

Aujourd’hui en France, on a pris des engagements très forts sur la détention des détenus radicalisés. Nous avons deux sortes de prise en charge. D’abord, nous avons des quartiers d’évaluation de la radicalisation qui servent pendant plusieurs semaines à évaluer la dangerosité et le niveau de radicalisation de la personne. Ensuite, en fonction de ce niveau de radicalisation et de sa dangerosité, elle va être affectée à un établissement pénitentiaire avec une prise en charge particulière. Nous avons également des quartiers pour la radicalisation. J’en ai visité un à Condé-sur-Sarthe (Orne) qui est complètement étanche, dans un établissement extrêmement sécurisé où il y a des prises en charge très individualisées. A la sortie de prison, il y a une surveillance qui est mise en place. L’accent est vraiment mis sur la coordination de tous les acteurs, quel que soit leur échelon territorial. Quand quelqu’un sort de prison, il y a tout un dispositif qui se met en place pour qu’il soit pris en charge à sa sortie de prison de la façon la plus adaptée. Encore une fois, il n’y a pas de solution miracle, il n’y a pas de solution qui s’applique à tout le monde. Il faut vraiment que chaque cas soit évalué, individualisé pour que la bonne solution soit appliquée.

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