Immigration : mon intervention lors du débat

Débat sur la politique migratoire en France et en Europe

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Intervention de Mme Yaël BRAUN-PIVET, 

présidente de la commission des lois constitutionnelles, 

de la législation et de l’administration générale de la République

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lundi 7 octobre 2019

 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Chers collègues,

Parler d’immigration, c’est parler de mouvement. Des mouvements du monde et des mouvements profonds de notre pays. C’est aussi parler de permanences. Permanence du processus d’intégration grâce auquel les mille visages de la France ont tous la couleur de la République. Permanence de notre tradition d’accueil, de notre statut de terre d’asile.

Garantir l’asile, c’est l’engagement immuable de la France. Un engagement constitutionnel, un devoir de protection, dont le respect suppose qu’il ne soit pas dénaturé. C’est ce que nous avons réaffirmé en adoptant la loi du 10 septembre 2018. La commission des Lois en assure le suivi régulier. Nous en dresserons dès mercredi un bilan d’étape.

Des effets tangibles sont là, indéniables. Grâce aux passeports talents, la France est plus attractive pour les travailleurs étrangers qualifiés. Dans le cadre du contrat d’intégration républicaine, les cours de français ont vu leurs heures doubler. Dans les préfectures, les services ont fourni d’important efforts de réorganisation. La commission l’a constaté dans les Hauts-de-Seine : la prise de rendez-vous est dématérialisée, simplifiée. Les files d’attente réduites. Les nouveaux Centre d’Accueil et d’Examen des Situations, les CAES, évaluent et orientent de façon coordonnée, rapide et efficace. Tel celui de Nanterre que nous avons visité.  Au centre de rétention administrative de Vincennes, nous avons constaté que les éloignements sont plus nombreux.

Le représentant du Haut-Commissariat pour les Réfugiés en France me le disait il y a peu : notre procédure fonctionne, et plutôt bien. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail considérable des agents de l’Etat, de l’OFII, de l’OFPRA et de la CNDA.

Beaucoup l’ont dit : le bon fonctionnement de notre système d’asile ne saurait être atteint sans une réforme du règlement de Dublin. Une réforme qui réaffirme, dans un cadre commun, le rôle déterminant de l’Etat de première entrée et la solidarité des Etats membres, y compris dans le processus d’intégration.

De nos travaux préparatoires, je retiens aussi deux axes sur lesquels nous pouvons progresser, dans la continuité de notre action.

D’abord, le premier accueil. Car un mauvais début, c’est la certitude d’une trajectoire chaotique. Il est intolérable que des personnes passent des mois dans la rue, aux portes de Paris. Les conséquences matérielles et psychologiques de l’errance sont désastreuses. Elle entrave l’intégration future. Elle alimente la défiance de nos concitoyens.

Il est donc urgent de renforcer nos dispositifs de premier accueil. Accroissons les capacités des CAES, partout en France. Car notre politique doit être territoriale, du premier accueil à l’intégration : c’est la direction que nous avons prise en 2018. Allons plus loin ! C’est un véritable pacte régional que nous devons créer, impliquant l’ensemble des acteurs – Etat, collectivités, associations, entreprises et citoyens. C’est une nécessité, car la capacité d’accueil de l’Ile-de-France n’est pas suffisante. C’est une question d’équité territoriale. C’est enfin permettre à ceux que nous protègeront de s’enraciner durablement sur notre sol, dès leur arrivée.

Nous pouvons aussi améliorer encore l’efficience de notre procédure d’asile. Elle est juste, équitable, mais nous devons la rendre plus rapide, à toutes les étapes. Elle ne l’est pas assez, c’est un fait. C’est à nous qu’il appartient d’identifier les blocages et d’y remédier.

Je pense à la majorité de ces hommes et ces femmes venus de Syrie ou d’Afghanistan, pour lesquels notre secours est le dernier recours. Pourquoi ne pas réfléchir à une procédure d’acceptation plus rapide qui leur soit dédiée ?

Je pense aussi aux demandeurs issus de pays sûrs.

Dans ma circonscription, une petite fille et sa mère, venues d’un tel pays, seront bientôt expulsées. Une décision presque inéluctable qui a pourtant pris deux ans. Deux ans pour rien. C’est long. Surtout lorsqu’on a sept ans.

Notre responsabilité est de ne pas laisser des vies se construire sur des fondations vouées à s’écrouler. Notre responsabilité est de ne pas laisser croire à ceux que nous n’avons pas vocation à accueillir qu’ils pourraient bénéficier de failles dans notre système de retour.

Car l’intégrité de notre système d’asile repose aussi sur l’effectivité de la décision de refus, donc de l’éloignement. Les éloignements contraints ont déjà augmenté de 10%. Grâce à l’augmentation de la durée maximale de rétention, nous obtenons aujourd’hui plus de laisser-passer consulaire et parvenons à éloigner davantage. De surcroit, les bénéficiaires d’une aide au retour ont augmenté de 50%. Nous devons poursuivre dans cette voie et continuer en particulier à encourager les retours volontaires.

Mes chers collègues : la loi du 10 septembre 2018 a un an. Ce débat n’est pas un point de départ et ne doit pas être point d’arrivée. C’est à nous, commission des Lois, parlementaires, qu’il appartient désormais d’évaluer, de nous assurer que la loi produise ses pleins effets.

« Tout ce que je demande aux politiques, c’est qu’ils se contentent de changer le monde sans changer la vérité », disait Jean Paulhan.

Sur ce sujet de l’immigration ayant fait l’objet de tant d’excès et de surenchères, nous gagnerions à nous en montrer capables, collectivement.

Je vous remercie.

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