Ouverture des débats dans l’Hémicycle sur la loi confiance dans la vie publique

24 juillet 2017 : Séance publique – Examen du projet de loi pour la confiance dans la vie publique – Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente de la commission des Lois, Rapporteure

Intervention de Mme Yaël BRAUN-PIVET, 

rapporteure, présidente de la commission des lois constitutionnelles, 

de la législation et de l’administration générale de la République

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Discussion générale – séance du lundi 24 juillet 2017

Monsieur le Président,

Madame la Garde des Sceaux,

Monsieur le Rapporteur Général, rapporteur pour avis de la commission des Finances,

Mes Chers Collègues,

77 % … 77 % des Français jugeraient les parlementaires corrompus et 72% d’entre eux porteraient un jugement similaire sur le pouvoir exécutif national. Telles étaient, à la fin de l’année 2016, les conclusions de l’enquête annuelle réalisée par Transparency International France sur la perception de la corruption en France. Les études d’opinion se succèdent et malheureusement se ressemblent.

Que pouvons nous faire collectivement pour modifier la perception qu’ont nos concitoyens de leur classe politique ?

Quelle peut être notre capacité individuelle et collective à recréer de la confiance ?

A travers la confiance c’est la démocratie qui est en jeu.

Pendant nos longs débats en Commission, certains commissaires ont évoqué la vertu. Celle célébrée par les pères fondateurs de la République, qui avaient remplacés la vieille noblesse de naissance par la noblesse de l’engagement républicain, celle de l’acte et de l’abnégation.

C’est aussi de cela que parlent ces textes.

Nos concitoyens émettent des doutes quant à la probité des responsables politiques, alors que ce sont plus de 600.000 élus qui font preuve au quotidien dans notre pays d’un dévouement totalement désintéressé, à l’intérêt commun, à la chose publique, aux affaires de la cité, au bien-être de tous et aux valeurs qui nous unissent.

Il nous incombe collectivement d’être à la hauteur de l’attente immense des citoyens qui nous apporté récemment leurs suffrages. Cette confiance nous oblige. Nous en sommes redevables.

Pour une grande partie d’entre nous, qui sommes élus pour la première fois, ces textes ont une dimension symbolique particulière. Ils traduisent des propositions que nous avons portées pendant la campagne. Ils sont au cœur de notre engagement politique.

Il convient néanmoins de faire preuve d’humilité. Ces textes s’inscrivent dans un long processus législatif. De nombreuses lois visant à rendre plus vertueuses les modalités de fonctionnement de notre démocratie ont déjà été adoptées par le passé. D’autres sont encore à venir. Je pense en particulier à la révision constitutionnelle que nous aurons à connaître prochainement.

Le Gouvernement a souhaité que ces deux projets de loi soient soumis au Parlement dès le début de la législature, honorant ainsi un engagement important pris par le Président de la République lors de sa campagne électorale.

Les dispositions phares que ces deux projets de loi contiennent répondent aux attentes de nos concitoyens et doivent rapidement trouver place dans notre droit positif. Cette célérité est déjà une réponse politique forte car aucun atermoiement ne nous aurait été, me semble-t-il, pardonné.

Nous avons procédé à de très nombreuses auditions. Au sein de la commission des Lois et sous l’excellente présidence de notre collègue, M. Stéphane Mazars, nous avons pris le temps nécessaire à la discussion. Elle a duré près de 17 heures. Nous avons été attentifs aux contributions des acteurs de la société civile, notamment par le biais d’une consultation citoyenne sur une plateforme participative.

Les textes qui ont été présentés par le Gouvernement traduisaient les engagements pris devant les Français par le Président de la République. Ces textes avaient leur cohérence et leur lisibilité, à la fois sur un plan politique et sur un plan juridique. Le Sénat a fait le choix d’élargir leur périmètre. Pour notre part, nous avons estimé qu’il était sans doute préférable d’affiner le dispositif initial. Les textes finalement adoptés par la Commission des lois reflètent donc cette ligne de conduite.

Ils visent d’abord à accroître les garanties de probité dans l’exercice des mandats électifs. Ils modifient ensuite les conditions d’exercice du mandat parlementaire afin de les rendre plus transparentes et plus conformes aux principes de fonctionnement d’une démocratie moderne. Ils comportent enfin un volet relatif au financement de la vie politique.

Apporter de nouvelles garanties de probité est le premier enjeu de ces textes.

Afin de mieux prévenir les conflits d’intérêts, il est ainsi prévu d’étendre le champ des incompatibilités mais également d’améliorer leurs conditions de traitement. La notion même de conflit d’intérêt est désormais consacrée dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et non plus seulement dans leurs règlements respectifs. Les dispositions de cette ordonnance sont également modifiées afin de prévoir la mise en place d’un registre des déports au sein de chacune des deux chambres.

Le contrôle de la régularité de la situation fiscale des parlementaires nationaux et européens ainsi que celle des membres du Gouvernement est renforcée.

Les textes introduisent de nouvelles sanctions en cas d’atteinte à la probité. Je crois qu’il y a un consensus général sur ce point. La Commission a cependant remplacé le dispositif de peine complémentaire présenté par le Gouvernement par une exigence d’absence de certaines mentions de condamnations sur le bulletin n°2 du casier judiciaire. Si cette disposition a le mérite de la clarté, elle présente sans doute un risque d’inconstitutionnalité dont nous allons reparler.

La Commission est revenue, à l’initiative du Gouvernement, sur une disposition introduite par le Sénat qui visait à circonscrire le délit de prise illégale d’intérêts et qui nous paraissait contraire à l’esprit même de ces projets de loi.

Modifier les conditions d’exercice du mandat parlementaire afin de les rendre plus transparentes est le deuxième enjeu de ces textes.

A ce titre, le mécanisme de la « réserve parlementaire », qui reposait jusqu’à présent sur des décisions d’attribution de subventions prises individuellement et de manière discrétionnaire, est supprimée. En parallèle, nous avons indiqué au Gouvernement notre volonté que soit mis en place un système différent destiné au financement des projets d’investissements des collectivités locales et des associations, afin que ces dernières ne soient pas pénalisées.

De la même façon, nous avons arrêté, à l’instar des sénateurs, le principe de la suppression de l’indemnité représentative de frais de mandat. La traçabilité, le contrôle des dépenses engagées par les parlementaires dans l’exercice de leur mandat ainsi que la certification de leur compte doivent conduire à écarter toute suspicion d’usage irrégulier de ces fonds.

 

Le bureau de chacune des assemblées est ainsi invité à redéfinir les régimes de prise en charge de ces frais et à arrêter la liste des frais éligibles. Je me réjouis que sur ce point nous n’ayons pas été loin de l’unanimité au sein de notre Commission.

Autre mesure d’importance, nous avons adopté un régime d’encadrement des emplois de collaborateurs des ministres, des parlementaires et des élus locaux. Il s’articule autour de l’interdiction pure et simple des emplois familiaux impliquant les membres de la famille proche, sous peine de sanctions pénales et financières, et d’un mécanisme de transparence englobant tous les autres cas.

Parallèlement et à la suite du Sénat, nous avons tracé les contours d’un statut des collaborateurs parlementaires, clarifier leurs conditions de licenciement en les rendant plus protectrices. C’est un message important de reconnaissance que le Parlement envoie ainsi à celles et ceux qui travaillent dans l’ombre des députés et des sénateurs. Ils ont injustement été montrés du doigt au cours de ces derniers mois alors qu’ils souffraient déjà d’une forte précarité.

Enfin, le projet du Gouvernement, comporte un volet relatif aux modalités de financement de la vie politique auquel a souscrit la Commission. Il définit ainsi de nouvelles mesures d’encadrement et arrête le principe de la création d’un médiateur du financement des candidats et des partis politiques. Dans le même temps, il crée les conditions de la mise en place d’une banque de la démocratie, destinée à faciliter, notamment, l’accès au crédit pour les candidats.

Pour conclure, permettez- moi de remercier tous les députés qui ont pris part à nos travaux, durant les auditions puis en Commission. Je remercie l’opposition, dans toutes ses composantes. Qu’il me soit permis aussi de remercier la majorité et d’avoir une pensée particulière pour nos collègues Mmes Naïma Moutchou et Paula Fortezza, auxquelles je veux redire toute ma confiance, ma reconnaissance et mon amitié !

Mais si nous débattons aujourd’hui de ces textes c’est aussi grâce au travail remarquable, aussi bien dans sa qualité que dans sa quantité, de nos administrateurs et de l’ensemble des agents de la Commission. Ils ont œuvré sans compter leurs heures.

La Commission des lois a bien travaillé. Rapporter en son nom est un honneur, comme l’est le fait de la présider : à ce stade et pour conclure je salue ceux qui l’ont présidé avant moi avec une pensée particulière pour Mme Catherine Tasca, qui fut la première femme à occuper cette fonction, ainsi que pour M. Jean Luc Warsmann, dont chacun connaît la grande compétence et dont je me félicite qu’il siège encore parmi nous.

Je me réjouis enfin des débats à venir dans cet hémicycle. J’espère qu’ils aboutiront à un large consensus autour de ces deux lois et qu’ils nous aideront collectivement à tisser les fils de la confiance avec nos concitoyens.

 

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Suivez en direct à partir du lundi 24 juillet à 16h les discussions dans l’Hémicycle autour de la loi confiance dans la vie publique.

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