17 sept. 2024 Le combat pour les droits des femmes continue !
Ce mardi, j’ai eu le bonheur d’inaugurer l’arrivée des 10 statues de femmes qui ont marqué l’Histoire de France et qui ont été mises en lumière à l’occasion du tableau « Sororité » lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
Deux mois plus tard, les Jeux sont peut-être clos, mais leur message de modernité et d’audace doit continuer à nous inspirer. Et c’est pourquoi nous sommes ravis de prolonger aujourd'hui cet héritage d’inclusion et d’égalité, qui a été porté par ces premières olympiades paritaires, avec autant de sportifs que de sportives.
Installer ces statues ici même, dans cette cour d’honneur, est un symbole puissant, dans ce cœur battant de notre démocratie, où tant de libertés pour les femmes ont été conquises et obtenues de haute lutte.
Comme il y a près de 50 ans, lorsque Simone Veil monta à la tribune pour défendre la loi qui porterait son nom et dépénaliserait enfin l’IVG. Le 26 novembre prochain — une date désormais gravée sur sa statue — marquera le cinquantenaire de son discours historique. Nous ne manquerons pas de le commémorer dignement, ici, à l'Assemblée.
Soyons cependant honnêtes entre nous : avant les Jeux, aurions-nous tous pu reconnaître sans hésiter ces 10 femmes illustres ?
Certaines nous étaient déjà familières, comme Olympe de Gouges, qui rédigea la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne et eut ce mot prémonitoire : «La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ».
Face à cette Révolutionnaire se dresse désormais une Communarde, Louise Michel. Pour elle, la place des femmes ne devait pas être « mendiée mais prise ». Et que de places ont été prises depuis ! C’est la première Présidente de l’Assemblée qui le dit au pied de la statue de la première Présidente du parlement européen, Simone Veil.
Comme un symbole encore, Simone Veil se tient aux côtés d’une autre grande figure du droit et de la justice, Gisèle Halimi. Elle aussi a mené de grandes luttes humanistes, pour l’avortement et la dépénalisation de l’homosexualité, en tant que députée de l’Isère. On lui disait souvent qu'elle « séduisait » l’auditoire. « Séduire ? » répondait-elle. « Vous ne l’auriez pas dit si j’étais un homme : dites plutôt convaincre. »
Des prétoires aux cercles intellectuels, les femmes ont toujours dû en faire plus que les hommes pour obtenir la reconnaissance qu’elles méritaient. À l’image de Christine de Pizan, première femme à vivre de sa plume, ou de Paulette Nardal, dont l’héritage intellectuel est longtemps demeuré dans l’ombre. « Césaire et Senghor », disait-elle avec une lucidité amère, « ont repris les idées que nous avions brandies et les ont exprimées avec plus d'étincelles... Nous leur avons pavé la route, mais nous n’étions que des femmes ».
Nos deux Alice, Alice Guy et Alice Milliat ont elles aussi pavé des routes nouvelles pour les femmes : le monde du cinéma pour Alice Guy, injustement coupée au montage de l’histoire ; et le monde du sport pour Alice Milliat – alors même que Pierre de Coubertin lui rétorquait, et je vous invite à vous boucher les oreilles, qu'une « olympiade femelle serait inintéressante, inesthétique et incorrecte ».
Quant à Jeanne Barret, déguisée en « Jean Barret », c’est tout simplement le monde entier qu'elle a défriché. Une phrase du prince de Nassau à son propos aurait pu lui servir d’épitaphe : « L'aventure peut avoir sa place dans l'histoire des filles célèbres. »
Cette « aventure » de l’égalité est loin d’être achevée - et c’est pourquoi cette célébration doit être pour nous une exhortation à agir toujours pour les droits des femmes. Car n’oublions jamais cette mise en garde de Simone de Beauvoir : « Il suffira d'une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. »
Et il a suffi en effet de quelques mois pour que les Afghanes n’aient plus le droit d’apprendre et désormais de chanter. Mais à l’occasion de cette inauguration, grâce à Marzieh Hamidi et Husnia Anwari, les voix de deux grandes Afghanes ont résonné de nouveau, comme un chant de résistance. À toutes les Afghanes, à toutes les Iraniennes, deux ans après la mort de Masha Amini, je veux dire que la France sera toujours à leurs côtés. Si nous ne nous mobilisons pas, ici à l’Assemblée, ici dans la Ville-Lumière, qui le fera ?
C’est donc autant pour garantir un droit fondamental que pour envoyer un signal de liberté au monde, que notre pays est devenu le premier à sanctuariser l’IVG dans sa Constitution.
Je n’oublierai jamais ce jour où je suis devenue la première présidente d’un Congrès – ce jour où me rendant vers l’hémicycle de Versailles, j’ai traversé une allée de bustes exclusivement masculins. Je n’oublierai pas non plus les jours suivants, quand je réunissais ici même le 1er Sommet des Présidentes d’Assemblée, pour rappeler, avec 24 de mes homologues, que nos parlements sont en première ligne pour les femmes.
Mais en la matière, ne pas avancer, c'est reculer. Alors je vous propose de continuer ensemble à avancer en plaçant cette législature sous le signe des femmes et du mot central de notre devise républicaine, « Égalité ».
Cette égalité est pourtant encore de façade, quand 20 % des maires par exemple sont des femmes. C’est pourquoi il est temps d’instaurer enfin la parité à toutes les élections locales, comme de renforcer d’autres quotas, des filières scientifiques aux grandes entreprises, en appliquant pleinement la loi Rixain et pourquoi pas, en l’étendant encore.
Des entreprises aux fédérations sportives, de la politique aux médias, nous ne pouvons plus accepter ces anomalies du XXIème siècle.
J’ai parlé de loi et certains diront que dans une Assemblée fragmentée, les accords sont périlleux. Et pourtant, la précédente Assemblée, elle aussi fragmentée, a voté à l’unanimité la loi sur l’aide d’urgence aux victimes de violences conjugales. J’en suis donc convaincue, cet hémicycle saura dépasser les clivages pour les femmes. Et j’irai même plus loin : cette Assemblée sera féministe ou ne sera pas. Elle l’est en tout cas davantage aujourd'hui grâce à ces statues.
En franchissant ces portes, j'espère que chacun des visiteurs de notre Assemblée fera siens ces mots de la romancière Lauren Elkin, new-yorkaise de naissance, parisienne de cœur, et traductrice de Beauvoir. « Regardons les statues », nous exhorte-t-elle, « considérons la vision du monde qu’elles protègent, pour en bâtir un nouveau, plus ouvert, plus égalitaire. Il est temps que les femmes réclament leur juste représentation dans l’espace public ».
Ce temps est enfin venu.