Plaidoyer pour un Parlement renforcé

J’ai publié un rapport avec la Fondation Jean Jaurès intitulé « Plaidoyer pour un Parlement renforcé – 25 propositions concrètes pour rééquilibrer les pouvoirs ».  Ce rapport est né de deux éléments. D’abord du mélange entre mon regard neuf de députée issue de la société civile sur nos institutions et de mes 5 ans de pratique à la présidence de la commission des Lois. Ensuite, d’un constat : sur le terrain, beaucoup de nos concitoyens me disent se sentir mal voire pas représentés. Je vois dans ces critiques une attente : celle que le Parlement redevienne le lieu privilégié de la représentation et du débat. A rebours des propositions grandiloquentes parfois lancées dans le débat public, dont les effets sont bien souvent incertains, j’ai donc fait le choix de formuler 25 propositions techniques mais efficaces pour apporter une réponse parlementaire concrète à la crise démocratique actuelle.

Ces propositions visent d’abord à redonner au Parlement la maîtrise du temps. Le temps n’est jamais perdu quand il s’agit de bien légiférer. Plus nous aurons de temps en amont de l’examen de projets de loi, mieux nous travaillerons. Car cela permet de consulter les citoyens et les corps intermédiaires, de mener des travaux préparatoires bien en amont. Je crois que le Parlement peut et doit ainsi devenir le lieu de l’élaboration du consensus politique. C’est essentiel car les Français sont lassés des oppositions stériles. Et cela fonctionne. Je l’ai vu à la commission des Lois : l’amende forfaitaire pour lutter contre la consommation de stupéfiants est nés de nos travaux et a fait l’unanimité ; le verrou de Bercy a été aménagé afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale parce que nous nous sommes saisis du sujet très tôt et avons réussi à parvenir à des conclusions communes. Le dépassement des clivages n’est à mon sens pas un slogan : c’est une exigence et l’un des moyens de faire des lois de qualité. Mais il faut se donner les moyens de ce dépassement, donc se donner du temps et la capacité de mieux prévoir nos travaux. Je propose donc d’instaurer une session ordinaire unique, du 15 septembre au 30 juillet, pour mettre fin aux sessions extraordinaires qui restreignent les prérogatives des assemblées. Je propose également que le gouvernement nous présente chaque année le programme de travail législatif et que chaque ministre détaille sa feuille de route devant la commission compétente pour plus de prévisibilité. Je suis par ailleurs d’accord avec la généralisation de la procédure accélérée qui permet une seule lecture dans chaque chambre au lieu de deux – sauf pour des textes nécessitant une longue maturation, sur les questions sociétales par exemple -, mais à condition d’instaurer des délais d’examens incompressibles. La nécessaire rapidité du parcours législatif ne doit pas se faire au détriment de la qualité du travail parlementaire.

Un autre axe est celui de la lutte contre l’inflation législative. Le problème n’est pas qu’il y ait trop de lois mais que les lois soient trop longues, parfois inintelligibles. Et cela rend l’action politique que nous menons pour vous illisible. Certains projets de loi contiennent plusieurs dizaines d’articles. Quelques mois plus tard, même les parlementaires ont oublié une partie des dispositions examinées… Je propose notamment que le gouvernement s’inspire des parlementaires : les propositions de loi qu’ils rédigent sont généralement plus courtes et plus circonscrites que les projets de loi. L’exécutif pourrait s’imposer cette pratique. Je propose par ailleurs que le gouvernement ne puisse plus apporter d’amendements substantiels à un texte une fois commencé son examen. Il y va de la clarté de la loi et de l’efficacité de l’action publique car « quand la loi bavarde, le citoyen ne l’écoute plus que d’une oreille distraite ».

Enfin, je propose également de donner au Parlement la capacité de faire aboutir ses initiatives, en lui donnant les moyens d’inscrire à l’ordre du jour et de faire aboutir des textes issus de travaux parlementaires d’évaluation ou co-signés par une majorité qualifiée de députés. Aujourd’hui, un texte pourtant soutenu par une majorité de parlementaires de tous bords peut difficilement aboutir sans l’intervention du gouvernement ou sans être endossé par des groupes politiques dans les deux assemblées. Ce fut le cas cette année par exemple sur le texte sur la fin de vie qui, malgré un soutien transpartisan massif, n’a pu être examiné jusqu’au bout et encore moins naviguer entre Assemblée et Sénat. Les outils juridiques que je suggère de créer permettraient au Parlement de mieux maitriser chaque étape du cheminement d’une proposition de loi, de rétablir une forme d’égalité des armes avec le gouvernement et ainsi, je le crois, de mieux répondre à vos attentes, de mieux vous représenter.

C’est en améliorant la qualité de la délibération, en retrouvant une réelle capacité d’initiative et renforçant ses missions de contrôle et d’évaluation que nous retrouverons un Parlement fort. C’est en retrouvant un Parlement fort que nous contribuerons à apaiser le débat public actuel, à construire des réponses appropriées à vos attentes et ainsi, je l’espère, à renouer la confiance entre les citoyens et ceux qui vous représentent.

Pour consulter mon rapport et mes propositions, rendez-vous ici :

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